Allemagne : le débat sur le parti AfD, classé "extrémiste de droite", est relancé

Le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) a été classé "extrémiste de droite" par le renseignement intérieur allemand, une décision qui relance le débat sur son éventuelle interdiction à quelques jours de l'investiture de Friedrich Merz au poste de chancelier et a déclenché une polémique avec Washington.
L'idéologie de l'AfD "dévalorise des groupes entiers de la population en Allemagne et porte atteinte à leur dignité humaine", ce qui n'est "pas compatible avec l'ordre démocratique" du pays, a déclaré l'Office de protection de la Constitution vendredi dans un communiqué pour expliquer son verdict.
L'AfD a promis de "se défendre juridiquement" contre cette décision qui permet aux autorités d'utiliser plus facilement des moyens de surveillance et de contrôle, y compris des communications privées, de ses membres.
Le vice-président américain JD Vance n'a pas tardé à réagir, estimant que cette initiative équivalait à "reconstruire le mur de Berlin".
"L'AfD est le parti le plus populaire d'Allemagne, et de loin le plus représentatif de l'Allemagne de l'Est. Aujourd'hui, les bureaucrates tentent de le détruire. L'Ouest a abattu le mur de Berlin ensemble. Il a été reconstruit, non pas par les Soviétiques ou les Russes, mais par l'establishment allemand", a-t-il dénoncé dans une publication sur le réseau X.
Auparavant, le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio avait qualifié ce classement de "tyrannie déguisée" et a déclaré que "l'Allemagne devrait faire marche arrière".
Le ministère allemand des Affaires étrangères a pris l'initiative inhabituelle de répondre directement à M. Rubio sur X, en postant "C'est ça la démocratie".
Le ministère a précisé que la "décision est le résultat d'une enquête approfondie et indépendante visant à protéger notre Constitution" et qu'elle pouvait faire l'objet d'un appel. "Notre histoire nous a appris qu'il faut arrêter l'extrémisme de droite", a-t-il ajouté.
Créé en 2013, l'AfD a effectué une percée historique aux élections législatives du 23 février, en arrivant deuxième derrière les conservateurs avec plus de 20% des voix, doublant son score par rapport au précédent scrutin.

Depuis, l'AfD a même dépassé dans certains sondages l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de Friedrich Merz qui doit être élu chancelier mardi par les députés.
En pleine campagne électorale, ce dernier avait été accusé d'avoir brisé le "cordon sanitaire" entourant l'extrême droite, lorsque députés conservateurs et de l'AfD avaient allié pour la première fois leurs voix afin de faire adopter un texte visant à durcir la politique migratoire.
"Propagation de préjugés"
Pour défendre sa décision, l'Office souligne en particulier "l'attitude globalement hostile aux migrants et aux musulmans" de l'AfD qui "favorise la propagation et l'approfondissement de préjugés, ressentiments et peurs".

Le service de renseignement "opère de manière autonome" et sa décision résulte d'"un examen exhaustif et neutre, consigné dans un rapport de 1.100 pages", a dit la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser devant la presse vendredi.
Les chefs de l'AfD, Alice Weidel et Tino Chrupalla, ont quant à eux dénoncé "un coup dur pour la démocratie allemande", assurant que leur parti "continuera à se défendre juridiquement contre ces diffamations".
Tout ceci constitue un petit séisme compte tenu de l'ascension de cette formation, qui rêve de prendre le pouvoir à l'issue des prochaines législatives, en 2029.
Les services de renseignements intérieurs allemands avaient déjà classé "extrémistes" l'organisation de la jeunesse et plusieurs branches régionales de l'AfD mais son classement global au niveau fédéral revêt une dimension supérieure.
"Aucun automatisme"
La décision de l'Office de protection de la Constitution a d'ores et déjà relancé le débat sur une éventuelle interdiction de ce parti, déjà évoquée ces derniers mois par certains responsables politiques.

Les "ennemis de la démocratie" doivent être "combattus avec tous les moyens politiques et juridiques disponibles jusqu'à ce que le danger pour notre démocratie libérale soit écarté", a ainsi estimé le député social-démocrate Ralf Stegner dans une réaction auprès du journal Handelsblatt.
"Il n'existe aucun automatisme" après un classement de ce type, a quant à elle souligné Nancy Faeser.
Si elle ne doit "pas être exclue", la perspective d'une "procédure d'interdiction de l'AfD se heurte, pour de bonnes raisons, à des obstacles constitutionnels très élevés".
Elle exige que le Bundestag, le Bundesrat - les deux chambres du Parlement - ou le gouvernement allemand dépose une plainte très motivée auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.
En déplacement à Hanovre, le chancelier sortant Olaf Scholz a d'ailleurs mis en garde, selon le journal Bild, contre "une décision précipitée", les juges suprêmes ayant déjà rejeté toutes les récentes demandes d'interdiction.
Après une décision de la Cour suspendant le financement public d'un petit parti néonazi, début 2024, certains élus avaient évoqué une mesure similaire à l'encontre de l'AfD en lieu et place d'une interdiction.
Vendredi, le politologue Wolfgang Schroeder, de l'université de Cassel (centre), a estimé, sur la chaîne de télévision Phoenix, qu'il n'était pas certain que le nouveau classement "réduise l'attrait de l'AfD" auprès de ses électeurs.
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