Votre navigateur (${ userBrowser.name + ' ' + userBrowser.version }) est obsolète. Pour améliorer la sécurité et la navigation sur notre site, prenez le temps de mettre à jour votre navigateur.      

Qui met le feu à l'Amazonie ?

| AFP | 98 | Aucun vote sur cette news
Un champ en feu à Sao Felix do Xingu, en Amazonie, dans le nord du Brésil, le 20 juin 2025
Un champ en feu à Sao Felix do Xingu, en Amazonie, dans le nord du Brésil, le 20 juin 2025 ( Nelson ALMEIDA / AFP )

Jean Rouge est une vieille connaissance des grands propriétaires terriens et des petits éleveurs de l'Amazonie brésilienne.

C’est un ami qui nettoie les pâturages, mais aussi un ennemi qui détruit les terres et les arbres, menaçant la plus grande forêt tropicale de la planète.

"Jean Rouge" est son nom dans le jargon local. Ailleurs, on l'appelle: le feu.

Son usage est si ancré dans le système d'élevage local qu'il est souvent difficile d'y renoncer, ont constaté des journalistes de l'AFP en s'aventurant dans la municipalité de Sao Felix do Xingu, terre de cow-boys dans le nord du Brésil.

Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025
Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025 ( Nelson ALMEIDA / AFP )

En 2024, les flammes, attisées par une sécheresse inédite liée au changement climatique, ont consumé près de 18 millions d'hectares de l'Amazonie brésilienne, un record historique.

La déforestation, que le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva a promis d'éradiquer d'ici 2030, a augmenté de 4% en un an jusqu'en juillet, après une baisse de 30% l'année précédente.

Pour la première fois, plus de forêt tropicale a brûlé que de pâturages.

Mais la majorité des incendies a commencé sur des terres agricoles avant de se propager à travers une végétation asséchée.

Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025
Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025 ( Nelson ALMEIDA / AFP )

Pour autant, les petits éleveurs rencontrés par l'AFP à Sao Félix do Xingu se disent persécutés comparé aux grands groupes.

"Quand la police arrive, on doit se cacher", déplore Dalmi Pereira, 51 ans, éleveur de la commune de Casa de Tabua. "Ils nous traitent comme des criminels de l'Amazonie, responsables des incendies, de la déforestation. Mais personne ne nous aide".

Face à eux: Agro SB, le géant agro-industriel de la viande et de l'agriculture dans la région. L'entreprise a acheté la terre en 2008 pour installer son complexe Lagoa do Triunfo, de la taille d'une grande ville.

La propriété, condamnée à six amendes jamais payées pour infractions environnementales depuis 2013, a concentré plus de 300 des incendies enregistrés à Sao Félix en 2024, selon des données analysées par l'AFP.

Cette même année, elle a reçu un label "vert" du ministère de l'Agriculture et de l'Élevage pour "ses pratiques de responsabilité sociale et de durabilité environnementale".

Agro SB "bénéficie d’un traitement à part", s'indigne M. Pereira, alors que "nous, nous restons à la porte" des administrations.

A cela s'ajoute le litige foncier entre petits éleveurs et le groupe industriel.

Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025
Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025 ( Nelson ALMEIDA / AFP )

Les producteurs installés des années auparavant réclament leur droit de propriété par usucapion (propriété acquise après un usage d’une certaine durée), une pratique historiquement fréquente en Amazonie.

Mais pour Agro SB, propriété du groupe Opportunity fondé par le banquier brésilien Daniel Dantas condamné pour corruption dans des affaires financières puis blanchi, il s'agit d'"envahisseurs" qui ont pris possession de sa terre, a indiqué la société dans un courriel envoyé à l'AFP.

Agro SB ajoute que les incendies enregistrés sur sa propriété "ont leur origine dans les zones envahies" et qu'elle porte plainte contre ses occupants.

Pompiers et pare-feu

Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025
Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025 ( Nelson ALMEIDA / AFP )

En Amazonie, les communautés locales et les petits producteurs utilisent le feu de manière "culturelle" mais ce sont "surtout les grandes propriétés" qui recourent aux flammes pour la déforestation et le renouvellement des pâturages, sans oublier les orpailleurs, rappelle Cristiane Mazzetti, coordinatrice des forêts de Greenpeace Brésil.

Rencontré lors d'une parade de cow-boys, le maire de Sao Félix, Fabrício Batista, souligne aussi que la majorité des propriétés rurales n'a pas de statut légal.

"La première chose que nous devons faire est de fournir des papiers aux gens", dit-il. "Des gens qui ont des papiers prendront soin de leur propriété. Quand ils n’en ont pas, ils commettent parfois des infractions."

Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025
Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025 ( Nelson ALMEIDA / AFP )

Propriétaire d'un domaine condamné en 2014 pour déforestation à une amende ensuite annulée, l'édile réclame pour lutter contre les incendies plus "d'infrastructures" au gouvernement fédéral.

"Ici, il n'y a pas une seule brigade de pompiers. Quand il y a un incendie, qui va l'éteindre ?"

Pour Regino Soares, producteur de 65 ans et président de l'association de petits éleveurs Agricatu, qui a lui-même perdu un cinquième de ses bêtes dans le feu, c'est surtout une question de bonnes pratiques à mettre en œuvre de ranch en ranch, de "sensibilisation".

"Mettre le feu au bon moment, faire des pare-feu dans les bonnes proportions, retirer la végétation asséchée autour des pâturages, se prévenir entre voisins quand on allume un feu..."

- La "banlieue" du Brésil-

Cette année, l’Amazonie connaît une trêve.

Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025
Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025 ( Nelson ALMEIDA / AFP )

Le nombre d'incendies enregistré depuis janvier est le plus faible depuis le début des relevés en 1998.

"Bien que la sécheresse persiste par endroits, il a plu plus régulièrement car nous sommes dans une année neutre où l'Amazonie n'est pas sous l'effet des phénomènes climatiques El Niño ni La Niña", explique Ane Alencar, directrice scientifique de l'Institut de recherches environnementales de l'Amazonie.

"Il y a également eu un meilleur contrôle des autorités et un effet de choc chez certains producteurs qui ont été plus prudents après ce qui s'est passé en 2024".

Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025
Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025 ( Nelson ALMEIDA / AFP )

Depuis le retour de Lula, après des années de laisser-faire sous Bolsonaro (2019-2022), l'Ibama a intensifié ses opérations, confirme son président Rodrigo Agostinho.

L’État a mobilisé un record de 4.300 pompiers, 800 véhicules, 11 avions. Des ressources cependant très insuffisantes pour protéger une forêt grande environ comme dix fois la France.

Le nombre d'amendes environnementales a augmenté, un travail compliqué car il faut identifier la personne qui a craqué l'allumette.

"On doit effectuer une expertise, trouver l’auteur, consulter des images satellites", explique M. Agostinho. Mais l'intelligence artificielle permet de mieux "localiser les contrevenants et d'évaluer la taille des zones" touchées.

Reste le défi de les faire payer. À titre d'exemple, Greenpeace a montré l'année dernière que cinq ans après le "Jour du feu", la grande majorité des sanctions imposées n'avaient pas été réglées.

Lors des deux premiers mandats de Lula (2003-2010) les politiques de surveillance et de contrôle avaient permis une réduction de 70% de la déforestation en Amazonie.

Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025
Un éleveur conduit du bétail à Sao Felix do Xingu, dans le nord du Brésil, le 18 juin 2025 ( Nelson ALMEIDA / AFP )

Pour le journaliste et cinéaste Joao Moreira Salles, auteur du livre sur l'Amazonie "Arrabalde", la clé de toute politique réside dans le soutien populaire.

"Le plus important, ce n'est pas que le monde la voie pendant la COP30, mais que les Brésiliens la voient. Parce que c'est ça le problème: le Brésil tourne le dos à l'Amazonie. C'est sa banlieue".

 ■

Copyright © 2025 AFP. Tous droits de reproduction et de représentation réservés.

Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, transmise, rediffusée, traduite, vendue, exploitée commercialement ou utilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. l'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions, qui ne peuvent être exclus ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations.

Votez pour cet article
0 avis
Note moyenne : 0
  • 0 vote
  • 0 vote
  • 0 vote
  • 0 vote
  • 0 vote
SUR LE MÊME SUJET
Publié le 11/10/2025

Le chef des pompiers Ilir Llapushi inspecte les dégâts causés par des incendies à Skenderbegas, près de Gramsh, dans le centre de l'Albanie, le 16 septembre 2025 ( Adnan Beci / AFP/Archives…

Publié le 10/10/2025

Photo remise par un établissement scolaire de Davao de Oro sur l'île de Mindanao, dans le sud des Philippines, où les élèves se sont rassemblés dehors après un puissant séisme le 10…

À LIRE AUSSI SUR BOURSE DIRECT
Publié le 13/10/2025

La Bourse de New York a nettement reculé vendredi, dans un climat de nervosité alimenté par les nouvelles menaces commerciales de Donald Trump. Le président américain a en effet évoqué la…

Publié le 13/10/2025

Publication des résultats semestriels 2025 Après avoir publié un CA S1 2025 en baisse de -8% (-3% à taux de change constants) à 66,0M€, ISPD a…

Publié le 13/10/2025

Votre rendez-vous quotidien avec les petites et moyennes capitalisations ! Chaque jour, retrouvez l’analyse d’Eric Lewin sur les valeurs Small & Mid Caps du moment qui font l’actualité.

Publié le 13/10/2025

Forvia a été choisi par Hyundai-Kia pour fournir des systèmes de conforts innovants. Il s’agit de la première fois que l’équipementier automobile français collaborera avec ce constructeur…