Aux Philippines: le marché du combat de coqs en ligne continue de prospérer, malgré son interdiction

Pendant des semaines cet été, des plongeurs ont exploré les profondeurs d'un lac au sud de Manille à la recherche de corps de disparus, victimes d'une véritable industrie nationale: les paris en ligne sur les combats de coqs.
Des hommes tués, selon un témoignage, pour leur implication présumée dans des matchs truqués pendant la pandémie de Covid-19, durant laquelle une véritable folie de l'"e-sabong" s'est emparée du pays.
A la suite de ces disparitions, l'ex-président Rodrigo Duterte a interdit en 2022 ces paris en ligne. Mais trois ans plus tard, le marché lucratif de l'e-sabong reste florissant.

A Bulacan, une banlieue de Manille, dans un local bondé où s'affrontent des coqs équipés d'éperons métalliques tranchants, les billets passent de main en main.
Marcelo Parang, 60 ans, y officie en toute sérénité: les paris en présentiel restent autorisés. "Nous n'avons pas peur... Ici, nous sommes tranquilles. Les matches se déroulent en toute légalité", explique-t-il alors que montent les clameurs d'un combat qui se termine.
Une ambiance bien différente de l'enfer du pari en ligne dans lequel Ray Gibraltar, comme de nombreux autres aficionados, est tombé lors de la pandémie.
"Je ne dormais plus"
Issu d'une famille d'amateurs de combats de coqs, il avait lui aussi longtemps fréquenté les "tarians", ces arènes dédiées.
Mais avec le confinement, il a commencé à parier en ligne, à un rythme effréné, gagnant ou - le plus souvent - perdant jusqu'à 15.000 dollars par jour.
"Je ne mangeais pas. Je ne faisais que boire du café et fumer... je ne dormais plus", raconte cet ancien cadre, ajoutant qu'avec l'argent perdu il aurait "pu acheter une maison et une voiture".
Avant d'entrer en cure de désintoxication, il a misé les derniers 300 pesos de son portefeuille électronique.
"Dans les tarians, il faut se déplacer pour parier", contrairement au pari en ligne, note Reagan Praferosa, qui a créé le Centre de rétablissement pour joueurs des Philippines.
Celui-ci a accueilli ses premiers joueurs d'e-sabong en 2020. Aujourd'hui, ils représentent environ 30% de l'activité du centre.

Jay, 24 ans, un artiste graphiste qui s'exprime sous couvert de l'anonymat, dit qu'il continue à se connecter dès qu'il reçoit son salaire.
Il montre comment avec seulement 10 pesos (environ 0,15 euros) il peut miser sur les coqs qui apparaissent sur son écran de téléphone.
"Je ne cherche pas à gagner de l'argent, c'est l'excitation", explique-t-il.
Les autorités estiment à des millions de dollars par semaine les revenus générés par cette industrie. Une manne qui alimente le crime organisé.
Sites fermés
Depuis l'interdiction de l'e-sabong, les autorités ont fermé plus de 6.800 sites, a indiqué à l'AFP le brigadier-général de police Bernard Yang.
Mais l'utilisation de VPN rend l'identification des utilisateurs le plus souvent impossible.
Tout en reconnaissant que les peines - des amendes ne dépassant pas 1.000 pesos (15 euros) - ne sont pas très dissuasives, M. Yang assure que le problème n'est "plus aussi grave" qu'auparavant.
La situation reste toutefois assez préoccupante pour que la Banque centrale, interpellée au Congrès, ait ordonné vendredi aux entreprises de portefeuilles électroniques de cesser toute activité avec des sites illégaux dans les 48 heures.
Car pour Rolando Valeriano, membre du Congrès, la situation reste "très alarmante".

Partout, "il y a des enfants qui savent (comment parier) sur l'e-sabong", souligne pour l'AFP ce parlementaire, auteur d'une proposition de loi visant à alourdir les peines.
Une entreprise qui n'est pas gagnée d'avance, concède-t-il.
Début juillet, une photo vérifiée par l'AFP a commencé à circuler dans les médias. C'était l'image d'un élu fixant l'écran de son téléphone pendant un vote au Congrès.
Il suivait un combat de coqs.
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